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ACTES DE LA TABLE RONDE Asile-Immigration : Allemagne - France, des modèles d’accueil divergents, des questions européennes communes
France terre d’asile et la fondation Heinrich Böll France ont organisé, le vendredi 6 avril 2018, une table ronde à l’Assemblée nationale pour débattre des systèmes d’accueil français et allemand.
En Allemagne, un seul et même organisme, la BAMF (Bundesamt für Migration und Flüchtlinge, soit l’Office fédéral de l’immigration et des réfugiés) est en charge de l’ensemble de la procédure d’asile et de coordonner l’accueil des demandeurs d’asile. L’organisation au quotidien de l’accueil relève toutefois des autorités régionales, les Länder.
En France, ce sont une multitude d’acteurs qui interviennent au cours de la procédure : Préfectures pour l’enregistrement de la demande et la remise des titres de séjours, Ofpra pour la demande d’asile, et Ofii pour l’accueil. De plus, contrairement, à la situation prévalant en France où seulement 57 % des demandeurs d’asile ont eu accès à un hébergement en 2017, l’Allemagne héberge la totalité de ses demandeurs, et cela dès la phase de pré-enregistrement. La politique allemande d’intégration des demandeurs d’asile se caractérise quant à elle par l’implication d’une multitude d’acteurs de la société civile (organisations confessionnelles, entreprises, associations) ainsi qu’à la levée des barrières d’accès à l’emploi.
Lorsque sont considérés ces éléments positifs du « modèle allemand » il est important de garder en tête que la France n’a accueillie approximativement qu’un huitième des demandeurs d’asile arrivés en Allemagne en 2015 et 2016, avec un taux de reconnaissance global de 38,1 % en 2016 contre 62,4 % en Allemagne.
Présentation de Monsieur Jens Althoff,directeur de la Fondation Heinrich Böll France
Quels sont les principaux résultats qui ressortent de ce rapport ? Qu’est-ce qui a fonctionné dans l’approche allemande ?
Tout d’abord, l’approche décentralisée : le fait que ce sont les régions et surtout les villes qui décident sur le terrain comment accueillir les réfugiés dans les meilleures conditions possibles. Il y a certes eu des problèmes de cohérence et de coopération entre les différent niveaux de l’Etat et l’approche est différente selon le type de majorité qui gouverne au niveau régional, c’est-à-dire dans le Land, mais globalement cette approche décentralisée a bien fonctionné.
Autre point clé : l’implication de la société civile et la coopération entre les collectivités territoriales et ces acteurs (y compris les acteurs économiques). Donc une approche qui s’appuie sur une stratégie de coopération entre acteurs étatiques et acteurs de la société civile, notamment des associations, des organisations caritatives ainsi que beaucoup de clubs sportifs, notamment de clubs de football.
D’ailleurs, un grand mouvement citoyen s’est formé pour soutenir l’accueil des migrants.
Le journal Der Spiegel a comptabilisé 15 000 initiatives citoyennes qui se sont engagées dans l’accueil des réfugiés de 2015 à 2016.
Deux autres points sont aussi importants : premièrement une nouvelle loi permet depuis
octobre 2015 que les demandeurs d’asile et les réfugiés qui ont « une perspective de rester » (Bleibeperspektive) participent à des cours de langue et d’orientation.
Ces cours contiennent 600 heures de cours de langue et 100 heures de cours d’orientation sur le système allemand, sa culture et ses valeurs.
Cette loi permet aussi aux réfugiés ayant « une perspective de rester » d’avoir accès aux formations et au marché de travail après seulement trois mois.
L’apprentissage de la langue et un cours d’orientation sur la culture et les valeurs du pays d’accueil sont des éléments clés pour l’intégration en Allemagne.
Les expériences et les exemples montrent qu’une approche d’accueil et d’intégration fonctionne et porte ces fruits et qu’une approche d’exclusion, de séparation et de répression peut plutôt créer des problèmes supplémentaires sur le terrain.
2 – Deuxièmement : Le nouveau gouvernement et la situation politique actuelle en Allemagne.
Une situation comme celle de l’Allemagne en 2016 et 2017 est néanmoins favorable pour le discours et le framing, l’interprétation « anti-immigration » de l’extrême droite – avec des conséquences fortes pour le paysage politique allemand.
Un clivage important s’est formé entre les deux partis conservateurs : la CDU d’Angela Merkel, qui ne reprend pas le discours et la stratégie de l’extrême droite, et le CSU de Horst Seehofer, le parti conservateur bavarois, qui mène la stratégie de reprendre des
éléments de discours et certaines idées de l’extrême droite – et qui a demandé un plafond fixé à 200 000 immigrés par an. L’idole de la CSU est le nouveau chancelier autrichien Sebastian Kurz allié au parti d’extrême droite FPÖ, et son discours anti-immigration.
Le discours sur l’immigration a changé en Allemagne depuis 2015, et cela avait déjà commencé avant. Il s’est beaucoup droitisé, ce qui a entrainé des débats, y compris parmi les sociaux-démocrates et au sein du parti de gauche Die Linke sur les positions sur l’immigration