Critérisation de l’offre de formation linguistique : une place consacrée à l’amélioration de la langue française

L’apprentissage du français s’inscrit dans les actions visées par la réforme de la formation professionnelle de 2014. Ce champ de la formation a connu ces dernières années une refonte des financements, une professionnalisation des acteurs et une attention des pouvoirs publics sur l’importance que joue la langue française au sein des compétences professionnelles.

La Loi du 5 mars 2014 rappelle, dans l’article L6111-1 que « la formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle, ainsi que de progresser d’au moins un niveau de qualification au cours de sa vie professionnelle. Elle constitue un élément déterminant de sécurisation des parcours professionnels et de la promotion des salariés (…) ».

Ce droit à la formation est affirmé ainsi « afin de favoriser son accès à la formation professionnelle tout au long de la vie, chaque personne dispose dès son entrée sur le marché du travail et jusqu’à la retraite, indépendamment de son statut, d’un compte personnel de formation qui contribue à l’acquisition d’un premier niveau de qualification ou au développement de ses compétences et de ses qualifications en lui permettant, à son initiative, de bénéficier de formations. Peuvent être mobilisés, en complément du compte, les autres dispositifs de formation auxquels son titulaire peut prétendre ».

L’article L6313-1 et suivants du Code du travail définit le type d’actions répondant aux dispositifs et financement de formation prévus par la loi. En effet, pour être prise en charge sur les fonds de la formation professionnelle continue, l’action doit répondre aux conditions fixées légalement.

L’article 157 de la loi 2017-86 (Égalité Citoyenneté), en modifiant l’article L. 6111-2 du Code du travail, intègre les actions de lutte contre l’illettrisme et en faveur de l’apprentissage et de l’amélioration de la maîtrise de la langue française dans la formation professionnelle tout au long de la vie.

« Tous les services publics, les collectivités territoriales et leurs groupements, les entreprises et leurs institutions sociales, les associations et les organisations syndicales et professionnelles concourent à l’élaboration et la mise en œuvre de ces actions dans leurs domaines d’action respectifs ».

L’extension de la notion d’apprentissage à celle d’amélioration de la maîtrise rend ainsi éligible aux financements de la formation professionnelle toute formation au français, au-delà de ceux relevant de la lutte contre l’illettrisme ou d’un premier apprentissage du français par les migrants.

Les parcours de progression linguistiques sont ainsi reconnus comme un élément de sécurisation par le législateur et les financeurs.

Prise en compte des niveaux de langue : le Cadre européen commun de référence s’impose et dialogue avec d’autres référentiels

Le Cadre européen commun de référence (CECR)

Dès 2001, il fournit une base commune pour la conception de programmes et de diplômes afin de renforcer la mobilité professionnelle et introduit des nouveautés :

  • des niveaux communs de référence à partir de 3 niveaux croissants de compétences (A, B et C), divisés en 2 sous-niveaux chacun (A1/A2 ; B1/B2 ; C1/C2) et se rapportant à trois types d’activités langagières : la réception (compréhension de l’oral et de l’écrit), la production (expression orale et expression écrite) et l’interaction (orale et écrite) ;
  • un découpage de la compétence communicative en activités de communication langagière, insistant sur la notion de compétences ;
  • l’importance de la notion de tâche (la compétence socio-linguistique est un type de compétences qui s’exerce dans le cadre d’actions faisant du locuteur un acteur social) ;
  • une attention spécifique pour adapter les outils aux migrants adultes.

Socle de connaissances et de compétences européen : un élargissement aux compétences clés

Dans les années 2000, le Parlement européen propose une définition du concept de compétence, soit une combinaison de connaissances, d’aptitudes et attitudes appropriées à différents contextes.

Les compétences clés concernent l’épanouissement personnel, l’inclusion sociale, la citoyenneté active et l’emploi. Elles visent précisément

« les groupes désavantagés dont le potentiel d’apprentissage doit être soutenu (…), des personnes ayant des connaissances de base faibles (…), des chômeurs de longue durée (…) ou des migrants, etc. »

Une recommandation du Parlement et du Conseil européens (2006) définit huit compétences clés dont la communication dans la langue maternelle et la communication dans une langue étrangère.

Les compétences clés au cœur de la réforme de la formation professionnelle

Dès 2003, l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) a travaillé sur une mise à plat des référentiels existants, identifiant ainsi 4 degrés de maîtrise :

  • Degré 1 : l’acquisition de repères structurants (repérage de l’univers de l’écrit et des nombres, se repérer dans l’espace et dans le temps) ;
  • Degré 2 : les compétences fonctionnelles pour la vie courante (dans un environnement familier, lire et écrire des phrases simples, résoudre des problèmes nécessitant des calculs simples, trouver des informations dans des documents courants) ;
  • Degré 3 : les compétences facilitant l’action dans des situations variées, au-delà du pragmatisme quotidien ;
  • Degré 4 : l’ensemble des compétences nécessaires pour être à l’aise dans la société de la connaissance, s’adapter aux évolutions et continuer à se former.

En 2009, l’ANLCI proposait un référentiel des compétences de base mises en œuvre en contexte professionnel, en lien étroit avec les Organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), les ministères de l’Emploi et de l’Agriculture et les Régions Ile-de-France et Basse Normandie.

La loi du 15 mars 2014 relative à la formation professionnelle prévoit qu’

« en application de l’article L.121-2 du Code de l’éducation, la Région contribue à la lutte contre l’illettrisme sur le territoire régional en organisant des actions de prévention et d‘acquisition d’un socle de connaissances et de compétences défini par décret ».

Les partenaires sociaux réunis au sein du Conseil paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation (Copanef) élaborent la définition d’un Socle commun de connaissances et de compétences professionnelles (S3CP).

Le décret n°2015-172 du 13 février 2015

précise les 7 compétences le constituant, lequel prend le nom de CléA :

  • la communication en français,
  • l’utilisation des règles de base de calcul et du raisonnement mathématique,
  • l’utilisation des techniques usuelles de l’information et de la communication numérique,
  • l’aptitude à travailler dans le cadre de règles définies d’un travail en équipe,
  • l’aptitude à travailler en autonomie et à réaliser un objectif individuel,
  • la capacité d’apprendre à apprendre tout au long de la vie,
  • la maîtrise des gestes et postures et le respect des règles d’hygiène, de sécurité et environnementales élémentaires.

La Région exerce depuis 2015 sa compétence et pilote les dispositifs Cap compétences et Compétences de base professionnelles, en articulant le référentiel du S3CP, le cadre de l’ANLCI, le référentiel Avenir Jeunes et le CECR pour une prise en charge sécurisée et harmonisée des publics.

Certifications et apprentissage du français

Les certifications et habilitations correspondent à des compétences transversales exercées en situation professionnelle. Elles sont inscrites dans l’Inventaire de la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP). La constitution de cet Inventaire, distinct du Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), est liée à la mise en œuvre du Compte personnel de formation (CPF) : les formations sanctionnées par les certifications et habilitations recensées à l’Inventaire peuvent être rendues éligibles au financement du CPF et devenir prioritaires pour le public salarié et/ou demandeur d’emploi.

Certif Info, référentiel national de certifications tendant vers l’exhaustivité, informe sur l’offre de formation certifiante. Il contient

  • les certifications professionnelles (titres enregistrés sur demande au RNCP),
  • les diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l’État (enregistrés de droit au RNCP),
  • les diplômes nationaux sans finalité professionnelle et les Certificats de qualification professionnelle (CQP) et autres certifications reconnues par les branches professionnelles.

Ce travail de référencement est possible grâce à un étroit partenariat entre 28 Carif-Oref signataires, la CNCP, l’Onisep, la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), Pôle emploi et Centre Inffo.

La maîtrise du français et le besoin d’attester de compétences langagières dans l’emploi sont donc désormais pris en compte dans la politique de certification : sont ainsi de plus en plus citées les certifications correspondant à un domaine spécifique ayant une forte valeur d’usage dans un cadre professionnel, dont la possession est recommandée par une instance représentative des partenaires sociaux. Certaines branches s’en emparent plus fortement : ainsi les Commissions paritaires nationales de l’emploi (CPNE) du travail temporaire, de l’alimentation, du commerce, de la presse et de l’hôtellerie restauration ont choisi un nombre important de certifications inscrites à l’Inventaire ou au RNCP pour leurs salariés. Le Copanef a sélectionné 16 diplômes pour tout public, quelle que soit la région.

L’analyse des 46 diplômes et habilitations liés à l’apprentissage du français permet d’en dresser une synthèse :
  • 10 tests et certificats de mesure de la maîtrise du français : test de connaissance du français, test Bright Language, test d’évaluation Français langue étrangère, Certificat Voltaire, Ev@lang, test LEVELTEL – évaluation du niveau global de communication professionnelle à l’oral en français langue étrangère, Certificate of Language Proficiency Yes ‘n’ You (CeLP), Certification en langue française Le Robert ; LILATE – Live language test; Certification professionnelle en langue PIPPLET ;
  • 3 habilitations pour les examinateurs et formateurs du Diplôme initial de langue française (DILF), Diplôme d’étude en langue française (Delf) et Diplôme approfondi de langue française (Dalf) ;
  • 13 diplômes de langue française : Diplôme de compétence en langue Français langue étrangère (DCL FLE), diplôme de compétence en langue française professionnelle de premier niveau, Dilf, Delf, Delf Option professionnelle, Dalf ;
  • 17 diplômes de français professionnel dans les domaines des Affaires, Hôtellerie restauration, Juridique, Mode, Médical, Relations internationales et Diplomatie, Scientifique et technique, Secrétariat, Soins infirmiers, Tourisme guide, Tourisme Hôtellerie ;
  • 2 certifications de français en contexte professionnel : Maîtrise des compétences clés de la propreté (MCCP) et Certification Français Operandi Nettoyage-Propreté ;
  • et CléA, la certification professionnelle pour tous secteurs d’activité, dans toutes les régions.

91 % renvoient expressément sur les niveaux de langue du Cadre européen commun de référence pour les langues. Avec la réforme de la politique d’intégration de 2016, les branches ont rapidement pris en compte les changements intervenus dans les manières d’attester de la maîtrise de la langue française lors d’une demande de naturalisation. Le recensement des diplômes et habilitations en progression confirme que la maîtrise de la langue française et les certifications qui en découlent correspondent bien à des compétences transversales exercées en situation professionnelle.

Pour aller plus loin :

Cartographie de l’offre de formation linguistique francilienne : l’apprentissage du français pour les primo-arrivants de l’intégration à la certification professionnelle

Retenu dans le cadre d’un appel à projets national 2015 par la Direction de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la naturalisation (Daaen), Défi métiers, le Carif-Oref francilien, a développé une nouvelle carte, liée à l’offre de formation linguistique.

La réforme de l’accueil et l’accompagnement des étrangers instaurée par la loi du 7 mars 2016 met l’accent sur la maîtrise du français dans le cadre du parcours d’intégration, grâce à la progression organisée par l’Ofii, depuis le niveau A1 jusqu’au niveau B1 du Cadre européen commun de référence.

Des rencontres avec les acteurs, organismes et financeurs, ont permis de critériser cette offre en lien étroit avec Réseau Alpha, l’association référençant sur son site l’offre associative de proximité, à visées d’autonomie et professionnelle.

En juillet 2016, la version béta développée par Défi métiers met en visibilité près de 500 actions de formation, conventionnées ou non, certifiantes ou non, référencées par les organismes de formation grâce à l’important travail d’accompagnement mené par l’équipe de DOKELIO Ile-de France. La géolocalisation en temps réel favorise l’actualisation régulière et la pérennité des données.

La structuration de cette offre de formation est organisée au travers de 3 parcours, présentant chacun un volume d’actions :

  • Le parcours d’intégration (163 actions) : actions de formation « parcours vers le niveau A1, A2 et B1 » de l’Ofii ;
  • Le parcours d’insertion professionnelle (109) : actions de formation conventionnées de la Région, des Conseils départementaux et de Pôle Emploi ;
  • Le parcours professionnel (253) : actions de formation ne relevant pas d’un financement public, certifiantes (tests, diplômes, etc.).

Chaque action, parcours ou programme est accessible grâce à une géolocalisation permettant une lecture territoriale de l’offre (département, ville, rue).

Un guide de recherche permet d’explorer le détail des financements (publics, privés), les programmes dédiés à la formation linguistique et l’éligibilité de ces formations au compte personnel de formation. Il apparaît ainsi que plus de 60 % des actions relèvent de certifications éligibles au CPF ouvrant ainsi la possibilité pour les publics primo-arrivants et immigrés de poursuivre les apprentissages en français, en cours d’emploi.

Cette cartographie a vocation à être développée à l’échelon national par le Réseau des Carif-Oref (RCO), en raison de son expertise sur la lisibilité de l’offre de formation et de certification et de sa capacité à produire des cartographies.

Pour aller plus loin : Cartographie de l’offre de formation linguistique